La spécificité de la tradition musicale occidentale se caractérise par le fait que la musique est écrite sur une partition. Après 1945, des formes non-traditionnelles ont émergé, sur fond de changements dans la culture, la société, les croyances et les styles de vie. La “Notation graphique” est juste un concept parmi d’autres – certaines notations se présentent comme des dessins, mais il existe aussi de nombreux types de signes, de mises en page et d’utilisations d’expressions verbales.
Les bibliographies que j’ai pu accumuler à l’IIMA, International Improvised Music Archive, ont pour but de dresser une cartographie de la documentation de ce territoire, parmi d’autres ayant une relation avec l’improvisation. Le titre complet est “Pratique de l’improvisation expérimentale et notation”. Il s’agit d’une “bibliographie annotée”, et il existe à la fois un volume couvrant la période 1945-1999 et un volume sur la période suivante jusqu’à nos jours. À l’heure qu’il est, il y a plus de 115 saisies de document avec des résumés de leurs contenus. Cependant, ce nombre n’inclut pas les éditions publiées des œuvres, et aussi les collections d’éditeurs sur cette thématique et les anthologies.
Voir le site :
http://www.intuitivemusic.dk/iima/legno1uk.htm
Dans l’ensemble, les universités et leurs institutions voisines sont à l’origine de la recherche et de l’activité de publication, mais il convient de noter que dans beaucoup de cas le chercheur est aussi un compositeur ou un musicien en activité. Dans les années 1960, beaucoup d’œuvres ont été publiées dans un format papier à la fois en Europe et aux USA par des maisons d’édition commerciales multinationales – citons Stockhausen, Wolff et Cage, parmi tous ceux qui ont obtenu leur notoriété de cette manière. Plus récemment, le livre de Sauer, Notations 21, a mis en évidence l’intérêt que les compositeurs portent de nouveau à ces pratiques. Dans ma méthode pour référencer la bibliographie, cet ouvrage apparaît comme suit : Sauer (2009;E1) – E1 fait référence dans ce système à la catégorie des ouvrages généraux sur les nouvelles notations. Les expositions de nouvelles notations ont sans cesse été organisées depuis les années 1970 – plus de soixante ont été jusqu’à maintenant détectées et listées, certaines accompagnées de leurs catalogues (voir la catégorie K).
L’ouvrage de Cox (2008+2010;E1) offre une perspective historique : la notation a d’abord fonctionné comme un supplément à une tradition principalement orale en tant qu’aide mnémonique, comme dans les neumes du chant grégorien – plus tard la fonction de la notation est devenue un moyen de fabriquer un produit capable de circuler par le biais d’un marché. Puis, après l’invention de la reproduction mécanique, la notation standardisée n’a plus été le seul moyen de documenter la musique. C’est dans ce cadre que les compositeurs ont pu se sentir plus libre d’utiliser la notation pour rendre l’idée de l’œuvre plus limpide, tout en laissant le détail de la documentation de la performance aux médias électroniques et, pourrait-on ajouter, en laissant la production du détail de l’œuvre à l’interprète. Par la suite, déclare plus loin Cox, les technologies numériques et Internet ont facilité le partage de l’information, et aussi les échanges entre les domaines artistiques.
En consultant non seulement des éditions et des anthologies d’œuvres intégrales, mais aussi un nombre d’articles et de traités historiques, il est assez facile de prendre connaissance d’un grand nombre de différents types de nouvelles notations à l’aide d’extraits. Brindle (1986;H1) est un livre généraliste sur l’histoire de la musique contemporaine occidentale avec de nombreuses illustrations. Les deux ouvrages de Bosseur (1979;H1) + (2005;E1) présentent des objectifs similaires – le premier est un livre d’histoire de la musique, le second est consacré à la notation et apporte un supplément direct au premier. Il présente des exemples par ordre croissant d’ouverture. L’ouvrage de Karkoshka (1966;E1) et sa traduction anglaise (1972;E1) est un livre sur les notations – avec l’intérêt particulier de la présence, dans la dernière partie du livre, d’œuvres présentées dans leur intégralité.
Sauer (2009;E1) a déjà été mentionné comme une étude récente sur la production contemporaine dans ce domaine. Storesund (2016;G3.1) constitue une réflexion sur l’état avancé du développement du champ des œuvres ouvertes utilisant les nouvelles notations : l’accent est mis constamment sur la manière de réaliser de telles œuvres, qui requièrent la mise en place d’une pratique musicale plus tournée vers la co-créativité que celle utilisée traditionnellement. À partir des années 1990, l’improvisation est entrée de plus en plus dans les programmes d’études des conservatoires, et ainsi l’attention portée sur les œuvres qui utilisent des notations non traditionnelles en a été renouvelée. Le livre met à la disposition de tous les musiciens intéressés des informations internes aux pratiques et peut aussi servir de base pour l’enseignement. Un certain nombre d’“études de cas” aborde les défis et les dilemmes auxquels, dans neuf œuvres différentes, il faut faire face en tant que musicien interprète. Pour cinq de ces pièces, tous les matériels de jeu nécessaires sont mis à disposition, et parmi les compositeurs, il y a des “classiques” des années 1950, et aussi trois pièces écrites après 2000.
Un nombre considérable d’écrits décrivent certaines œuvres ou des compositeurs très connus. December 52 de Earle Brown est en tête de la liste. La grande collection de partitions graphiques, Treatise de Cardew est fréquemment jouée. Christian Wolff occupe un statut spécial avec son introduction de systèmes de répliques centrées sur l’interaction des interprètes. Avec la progression de la pratique de l’improvisation qui a suivie, cette idée est apparue comme une découverte novatrice. À peu près deux décades plus tard, le jeune Zorn a repris cet aspect dans ses pièces des années 1980 basées sur des jeux encore aujourd’hui fort appréciées.
À l’évidence, le domaine commun entre les arts plastiques et la notation musicale a aussi ses auteurs consacrés. Buj (2014;E1) s’est consacré à établir les rapports entre les deux mondes, dans une investigation sur l’importance des formes circulaires dans les notations graphiques.
Dans la littérature sur les nouvelles notations, on peut trouver de nombreux types d’énoncé : des présentations, des exposés promotionnels, des débats, des élaborations historiques, des théories, de la philosophie, des liens avec la pratique. Afin de réduire l’immense complexité induite par la contemplation d’une bibliothèque dans sa totalité, la bibliographie présente des synthèses plus longues que les titres, mais qui évitent de présenter le contenu intégral des ouvrages, en essayant de capturer certains de leurs aspects essentiels et les mots-clés qui les caractérisent, tout ce qui est susceptible de faciliter le périple du chercheur.